jeudi 17 novembre 2011

Guerres de religion en France...

N°176 (Voir les pages: 1à6-11à16-31à33-72à74-98à117-123à132-146à165-170à175)
 Dans le livre "Mémorial historique de la noblesse " publié par M. A.-J. DUVERGNIER,en 1839,  nous remarquons que notre petite région a subi cette guerre de religion: catholiques contre huguenots. Comment croire que des croyants puissent en arriver à tuer ???? Que fait-on de la tolérance??? qualité encore mise à mal de nos jours .....
Je vais donc copier ce long récit ayant pour titre:
"LES MONTGOMMERY AUX PLAINES D'ALMENECHES". 

Transportons-nous à Chamboy où le canon gronde depuis tout un jour. C'est une petite bourgade protégée par un beau château fort; un des embranchements de la Dive l'arrose; et non loin de là, entre la baronie d'Exmes et celle de Trun, se trouve Avenel d'où sont sortis les célèbres Barons d'Ecosse. La religion réformée avait fait d'immences progrès dans cette contrée; les habitants très dévoués à leurs Seigneurs s'étaient empressés d'adopter les idées révolutionnaires qu'ils propageaient, espérant par là obtenir une certaine liberté.
Catherine de Médicis, méprisant les édits de pacification, voulut en finir avec le parti protestant; elle donna les ordres les plus sévères au Lieutenant du Roi, et fit insinuer à Gaspard de Tavannes qu'elle le verrait avec joie sortir de sa retraite pour aller sans bruit courir sus aux Huguenots. L'ambitieux Tavannes qui convoitait le bâton de Maréchal, comprit merveilleusement la pensée de la Reine-Mère, et, sans mot dire, il arriva d'une traite à Caen, où il rejoignit son fils qui partait avec Michel de Montreuil pour la Vicomté d'Argentan.
Le château de Chamboy se trouvant alors aux mains des religionnaires, Guillaume de Tavannes et son père s'y rendirent avec quinze cents hommes et quelques pièces d'artillerie; ils commencèrent par brûler la bourgade et pendirent une vingtaine de paysans qui refusèrent d'abjurer; puis, investissant rigoureusement la place, ils la canonnèrent avec vigueur, mais elle tint bon. Des courriers étant arrivés sur ces entrefaites, les Tavanne levèrent aussitôt le siège et se dirigèrent en toute hâte vers Argentan.
Dans la soirée, une centaine de cavaliers arrivèrent au milieu des débris fumants de la bourgade; leurs chevaux écumaient, on voyait qu'ils avaient fait une longue traite; ils mirent pied à terre, et bientôt on aperçut dans la direction d'Exmes deux bandes nombreuses d'infanterie et deux ou trois cents cavaliers.
"Voici nos capitaines, s'écria le chef de la première troupe; Gilbert, cours vers Pluviault et Davanes et dis-leur qu'ils se hâtent d'arriver, nous passerons ici la nuit."
Puis, sans pronocer une seule parole, il se mit à parcourir la bourgade à grands pas, regardant les débris noirs et fumants avec une joie amère et sauvage.
Une chaumière avait été préservée du feu, mais le paysan à qui elle appartenant gisait à la porte baigné dans son sang; le gentilhomme enjamba par-dessus le cadavre et alla s'asseoir sur une mauvaise escabelle, puis sortant des papiers d'un sachet de cuir, il se mit à les parcourir rapidement.
Cette homme était de haute taille; sa structure annonçait une grande force musculaire; il avait environ cinquante ans. Ses yeux d'un bleu tirant sur le vert brillaient d'une énergie extraordinaire, et son front proéminent laissait deviner les plus nobles facultés. Son regard n'avait pas toujours exprimé l'activité singulière qui l'animait alors; car Brantôme avait dit de lui "que c'estoit le plus nonchalent en sa charge et aussy peu soucieux qu'il estoit possible, car il aimoit fort ses aises et le jeu; mais lorsqu'il avoit une fois le cul sur sa selle, c'estoit le plus vaillant et le plus scoigneux capitaine qu'on eust sçu voir, au reste si brave et vaillant qu'il assailloit tout faible ou fort qui se présentât devant lui"  Pour tout dire, en un mot, c'était Gabriel de Lorges, Comte de Montgommery, le plus valeureux gentilhomme de son temps.
Sachant que les Tavannes et Montreuil se disposaient à dévaster la Basse-Normandie, il était accouru en toute hâte du Poitou avec Corboson son frère, puis rejoignant dans le vicomté d'Alençon ses anciens Capitaines Manceaux, il les avait amenés avec leurs bandes qui s'étaient grossies en chemin d'un grand nombre de gentilshommes du parti calviniste.
Peu d'instants après son entrée dans la chaumière, Corboson, Pluviault, fils de d'Andelot-Chastillon et quelques jeunes gentilshommes vinrent le rejoindre. Montgommery semblait triste, l'abattement avait succédé à la colère, à l'indignation, comme cela arrive toujours aux hommes généreux et d'un grand caractère.
"Est-ce faire la guerre cela! s'écria-t-il en jetant sa lourde épée à terre; la grande bravoure, Mort de Dieu! ils ont envoyé deux cents coups de canon à ce château, et parce que les braves qui le défendent ont ri d'eux, ils massacrent sans pitié des bourgeois, des paysans, et incendient leurs demeures.
- Patience et notre tour viendra, dit M. de Pluviault. A l'avenir , Messieurs, rendons-leur avec usure lemal qu'ils nous font, cela les rendra plus humains peut-être."
De grands cris retentirent aussitôt près de la chaumière et vinrent interrompre les lamentation s des seigneurs Calvinistes; puis, un officier subalterne s'approcha du Comte de Montgommery en lui disant qu'une foule de paysans se pressait alentour des cavaliers, demandant le général avec prières.
"Que veulent-ils?
-Je nesais, Monseigneur, repartit l'officier, les uns s'arrachent les cheveux, d'autres se meurtrissent la poitrine; ils sont à demi nus; ils pleurent...
- Voyons, Messieurs, dit Montgommery."
Un affreux spectacle s'offrit alors aux regards du Comte; les habitants de Chamboy ayant su le départ des compagnies du seigneur de Tavannes, et l'arrivée des bandes calvinistes, s'étaient hâtés de revenir vers leurs habitations. Mais leur douleur fut grande en voyant la bourgade détruite, leurs récoltes dévorées, leurs meubles brisés ou enlevés et les corps mutilés de leurs parents ou de leurs amis; le coeur se brisait en face d'une pareille scène !
"Nous venons tous vous demander vengeance, Monseigneur; s'écrièrent ces malheureux en tombant à genoux. Vengeance contre l'armée royale! vengeance contre le Roi!
-Vous êtes tous de la Religion? dit Montgommery.
-Oui, Monseigneur!...
-Eh bien! nous sommes tous frères et nous nous devons une mutuelle assistance. Ayez confiance en Dieu, mes amis, et il viendra à notre aide.
-Dieu m'a abandonné depuis que je me suis racheté de la corvée, dit un ancien manant d'abbaye d'un ton mécontent: aussi bien les moines m'avaient dit que cela me porterait malheur.
-Et moi aussi depuis que je vais au prêche, ajouta un batteur de blé.
-Nos pères étaient bien plus heureux dans le temps passé, dit une espèce de vieux scribe; ils appartenaient aux Seigneurs et les bons Seigneurs ne les laissaient manquer de rien.
-En sorte, malheureux que vous êtes, répliqua Montgommery d'une voix sévère, en sorte que pour quelques souffrances, vous regrettez votre liberté.
-Une belle liberté, ma foi, reprit le vieux scribe, une liberté qui nous fait brûler nos maisons, nous envoie au gibet ou au bûcher.
-Alors, hommes de peu de coeur, que voulez-vous de moi?
-Vengeance  ! hurlèrent aussitôt cent voix énergiques.
-Aidez-moi donc, si vous voulez que je vous venge! répliqua Montgommery d'un ton courroucé. Pour la plupart vous n'avez plus d'asile, ni de vêtements, ni de nourriture; eh bien, venez avec nous, prenez le mousquet ou l'arquebuse afin de chasser les Royaux de la Normandie. Si nous obtenons ce résultat, Charles IX, effrayé, renouvellera les anciens édits et nous aurons enfin notre chère liberté de conscience.
-Oui, oui, prenons les armes, s'écrièrent les jeunes paysans, et vive notre grand Comte de Montgommery!"
Le vieux scribe et le manant d'abbaye voulurent encore ergoter, mais la multitude leur imposa silence par son fanatisme, et Montgommery ayant fait distribuer des armes aux plus résolus, il renvoya les autres à Alençon avec quelqu'argent.
Deux heures avant le jour, Montgommery était debout avec son armée; des chasseurs intrépides et des habitants de Chamboy, ardents à la vengeance, avaient retrouvé la trace de leurs persécuteurs,  et le Comte sachant que les compagnies royales n'entreraient pas dans Argentan avant le soir du lendemain, et que d'autre part des troupes fraiches envoyées aux Tavannes par le Seigneur de Matignon n'arriveraient de Caen que le troisième jour, il résolut de prévenir tout cela en attaquant à l'improviste un de ses plus cruels ennemis, Gaspard de Saulx-Tavannes. Les troupes royales étaient plus nombreuses que ses bandes à demi disciplinées, mais que lui importait le nombre?
Au delà d'Exmes, dans la direction d'un village nommé Almenèches, Tavannes avait fait camper ses compagnies sur un plateau protégé par un bois; la plaine s'étendait au loin; le Comte de Montgommery déboucha dans cette plaine une heure après le lever du soleil par deux chemins perdus au milieu de grandes haies vives, et il vint se mettre en bataille aux regards étonnés de Montreuil et des deux Tavannes.
Lors des guerres de 1562 et 1564, soutenues par les Protestants contre le Duc d'Etampes et les Comtes de Matignon et de Martigues, Montgommery s'était adjoint d'illustres chefs de partisans.
 Les écrivains catholiques leur ont prodigué l'épithète flétrissante de Brigands, mais ce n'étaient que des hommes déterminés, dévoués à leur croyance et à la liberté. La postérité fait justice de ces aveuglements fanatiques et rend à chacun ce qui lui appartient. Parmi les plus braves de ces hommes mis hors la loi, l'histoire nous a conservé les noms de la Motte, Tibergeau, Bressaut, Davanes, Héricé le Balafré, la Curée et Pissot le Héricé. Les hommes marchant sous les bannières de ces Capitaines n'étaient peut-être pas d'une moralité bien haute;  mais cependant ils se soumettaient volontiers à la discipline militaire. Montgommery connaissait merveilleusement l'esprit de ces natures de fer, et avant de les déchainer sur les compagnies royales, il courut à cheval au front de sa bataille, et leur parla en ces termes:
"Soldats,
"Nous voici en face de nos éternels ennemis. Si vous tenez à la vie soyez courageux, combattez à outrance, car les Royaux nous traitent en infidèles. Vous avez tous un frère, un père ou un ami à venger. Vos mères ou vos soeurs ont été outragées, vos biens pillés, vos moissons détruites, vos bourgades incendiées! Les armées du Roi de France, loin de vous protéger, font couler votre sang à flots; on vous traque comme des bêtes fauves, on vous martyrise: eh bien, relevons enfin la tête et frappons nos tyrans au coeur! Dieu a créé les hommes à son image et tous sont égaux devant lui. Or, l'homme ne doit pas être l'esclave de l'homme! C'est un abus monstrueux, un crime qu'il faut déraciner du sol: soyez braves, humains, honnêtes, magnanimes; tâchez d'acquérir de grands talents militaires et vous serez aussi inscrits au livre héraldique. La religion réformée rendra les hommes meilleurs; persévérez mes enfants, et voyez déjà parmi vos chefs: qu'était le brave Bressaud? un imagier; et le prudent Lérisot, l'habile Héricé! de simples tisserands; eh bien, ne sont-ils pas regardés comme des gentilshommes? En fais-je moins de cas, les ai-je traités avec hauteur? non,n'est-ce pas. Alors imitez-les et nous tâcherons de réaliser la sublime parole du Christ: A chacun selon ses oeuvres."
Mille cris accueillirent cette harangue du Comte qui était digne d'un autre âge; les imaginations étaient enflammées, chaque soldat brûlait du désir de porter un casque à cimier et de posséder un fief seigneurial; les cavaliers semblaient communiquer leur impatience et leur fougue aux chevaux qui piaffaient et hennissaient; l'infanterie oscillait comme des vagues que la tempête soulève, puis on entendit un long murmure, puis le silence, et Montgommery s'écria enfin d'une voix formidable:
"Sus! aux ennemis! en avant soldats de la bonne cause! Montgommery et Normandie!
- Montgommery et Normandie! répétèrent mille voix avec frénésie, mort et malheur aux Tavannes!"
Après les premiers feux de la mousqueterie, le bouillant Comte trouvant ce genre de combat trop lent, rassembla deux ou trois cents cavaliers et se précipita comme un lion surles archers de Gaspard de Saulx; alors toute la ligne fut engagée et la mêlée commença.
Ce fut une noble et belle bataille! de toutes parts on combattait sous les bannières du fanatisme. Malheur à qui tombait! pas de merci au vaincu. C'était un duel de parti à parti, d'homme à homme; il fallait vaincre ou mourir. Montgommery semblait doué d'une puissance surnaturelle; il était partout, frappant les archers et les cavaliers, les vilains et les gentilshommes; il cherchait Gaspard de Tavannes qui de son côté faisait aussi merveille; mais la destinée ne mit point aux prises ces guerriers redoutables.
Le jeune Tavannes commandait une compagnie de cavalerie de cent hommes; voyant arriver le terrible escadron de Montgommery, il ne consulta que son courage et se jeta sur un de ses flancs; le combat fut long et acharné, mais les Royaux durent enfin céder aux Calvinistes, et Guillaume de Tavannes démonté, allait périr par l'épée du Capitaine Bressaut quand, se relevant avec une agilité extrême , il saisit sa hache d'armes dont il porte un coup violent à Bressaut qui chancelle et tombe, puis , sautant sur le cheval de sa victime, il s'élance au galop à travers une nuée d'ennemis étonnés de ce courage et de cette présence d'esprit.
Au milieu du jour, on combattait encore sur tous les points, mais les Catholiques cédaient le terrain peu à peu. Il y eut une trève de quelques heures à cause de l'extrême fatigue des deux partis, puis la lutte recommença plus acharnée que devant.
Le soleil couchant les surprit dans cette tuerie; le vieux Tavannes repoussé de toutes parts, ayant perdu la moitié de ses compagnies, songeait à la retraite quand Montgommery l'ayant tourné, avec son habileté accoutumée, s'élança tout à coup de l'extrémité du bois avec deux cents cavaliers qui labourèrent le champ de bataille et forcèrent les Royaux à se sauver dans une direction opposée à la petite ville d'Argentan sur laquelle ils avaient compté pour se réfugier.
Le champ de bataille resta aux Calvinistes; ils y passèrent la nuit, et c'était pitié vraiment que de voir le lendemain au jour ces morceaux de cadavres et de mourants. Les Tavannes, le Seigneur de Montreuil et le reste de leur petite armée s'étaient échappés chacun de son  côté, à la faveur des ténèbres, craignant d'être poursuivis par le terrible Comte de Montgommery.
Quant à ce dernier, heureux des résultats qu'il avait obtenus, il fit la répartition du butin qui était considérable, lesRoyaux ayant tout abandonné, puis songeant à Matignon-Gacé, il se dirigea vers Montgommery avec toute sa cavalerie.
Le lieu et la date du combat restent imprécis.... mais quelques années plus tard, Charles IX et sa mère Catherine de Médicis sont les auteurs des massacres de la Sainte Barthélémy en 1572....
La guerre de religion en France fut terrible, meurtrière, insupportable....
Les fanatiques de chaque religion devraient apprendre ce que c'est que la tolérance !!!!

Alifer61