mercredi 2 février 2011

L'abbé DURAND 1828-1890, curé d'Almenèches

N°155(Voir les pages:1-6-11à16-31à33-72à74-98à117-123à132-146à154)
Encore un homme du XIXe siècle dont l'histoire nous est rapportée par l'abbé Rombault, celui qui avait déjà écrit celle de notre inventeur prolifique: Perreaux... Ce très long rapport se trouve dans le "Bulletin de la Société Historique et Archéologique de L'Orne" de 1890:
......................... Almenèches avait un curé zélé, généreux, intelligent qui, par ses constructions et par ses écrits, avait fait revivre, autour de lui plusieurs des gloires du passé.
Ce prêtre, M. l'abbé Durand, a été enlevé le 5 décembre 1890, à ses proches, à ses amis, à la science, par une maladie de quelques heures Ses travaux et ses vertus ont ajouté comme un chapitre posthume à l'histoire de l'abbaye d'Almenèches. C'est ce chapitre que nous écrivons.
Marcel Durand était né à Magny-le-Désert, le 23 décembre 1828. Son père, homme d'un sens délié et Maire de Magny jusqu'en 1848................. Il entra au Petit Séminaire de Sées en 1841..................
Ordonné prêtre le 21 mai 1853, il fut successivement vicaire à Saint-Paul et à la Ferté-Macé. Nommé curé à Clairefougère en 1865, il resta dans ce poste une année seulement.
La cure d'Almenèches s'étant trouvée vacante, en 1866, sainte Opportune paya sa dette à l'abbé Durand en lui confiant la garde de son église et du bon peuple qu'elle n'a cessé, depuis onze cents ans,de couvrir de sa protection.
En retour, M. Durand devenu curé d'Almenèches se montra, pendant un quart de siècle, l'ouvrier infatigable de sainte Opportune.
Des deux églises qu'Almenèches avait autrefois: l'église paroissiale, qui s'élevait au centre du cimetière et était dédiée à saint Pierre, et l'église abbatiale placée sous le vocable de Notre-Dame, cette dernière seule subsiste. Elle venait d'être restaurée et consolidée (1864) sous la direction de l'architecte Ruprich-Robert, lorsque M. Durand prit possession de la cure d'Almenèches. Les travaux avaient porté sur la partie du monument la plus rapprochée de l'autel.
Cette partie, avec l'arc surbaissé de sa voûte, ne rappelle en rien la belle époque de notre architecture religieuse. Elle fut construite en 1674 par l'abbesse Marie-Louise Rouxel de Médavy, comme l'indique l'inscription suivante:
HANG ANTERIOREM BASILICAE PARTEM CONSTRUXIT
R.D. MARIA
LUDOVICA ROUXEL DE MEDAVY HUJUS DOMUS ABBATISSA
ANN. D. 1674
HAEC INSCRIPTIO RESTITUEBATUR.
ANN. D. 1864.
La nef, d'un tout autre style, appartient au XVIe siècle. Elle fut l'oeuvre de Louise de Silly, nièce de Jacques de Silly, évêque de Séez. Voici une inscription, en caractères gothiques, qui se lit aujourd'hui sur un des murs du transept Nord de l'église:
" Ce temple qui a été ruiné par antiquité fut com-
mencé à réédifier l'an de grâce 1534 et fut parfaict l'an 
1550, par Révérende Dame, Madame Louise Marie
de Silly, abbesse de céans. Gloire et honneur en soit
au Seigneur. "
..........l'abbé Rombault nous raconte ici l'histoire du Pré Salé (voir mon article n°12)........
...................Dans la suite,des processions solennelles se firent, chaque année au Pré Salé: le 22 avril, fête de la sainte, et le jour de la Trinité, anniversaire du miracle.
Le clergé et le peuple ne mangeait pas l'herbe du Pré-Salé, comme on l'a prétendu, mais ils se prosternaient et baisaient pieusement la terre sans que rien les y provoquât, hormis le prodige lui-même et son souvenir qui se perpétuait d'âge en âge, depuis le VIIIe siècle.
M. Durand crut qu'un fait si glorieux pour Sainte Opportune et si profondément enraciné dans l'âme des fidèles devait être consacré par l'érection d'un sanctuaire. Il mûrit cette idée, puis la confia à son évêque, Mgr Rousselet, qui l'approuva...........................
......... Dès le 13 juillet 1867, M. Durand avait acquis de M. Dubois, l'un des plus fervents paroissiens, une portion du Pré-Salé pour y élever l'édifice.Voici d'ailleurs l'acte de vente: l'acte, sous seings privés, porte:"M. Dubois vend à M. Durand, curé d'Almenèches, le terrain nécessaire pour la construction d'une chapelle en l'honneur de sainte Opportune, avec le tour d'échelle pour les réparations, et, de plus, le droit de passage pour y accéder en toute circonstance par la voie la plus directe. Cet emplacement ne contiendra pas plus de trois ares, y compris le terrain nécessaire pour le passage d'une largeur de quatre mètres." Cette vente était faite pour le prix de cent francs.
.... Le texte nous indique l'aide apportée par l'abbé Touroude, curé de Médavy.... et la clause d'un marché passé le 16 mars 1870 entre M. Durand et Eugène Gouin, entrepreneur de maçonnerie à Ginai...... La première pierre fut posée le dimanche 25 avril 1869 et le 30 août 1870, les travaux étaient terminés.... ces derniers revenaient à la somme de huit mille cent trente-quatre francs. Beaucoup de lieux où le culte de sainte Opportune est en honneur comme Paris participèrent... mais il semble que le principal apport fut celui des habitants d'Almenèches: mille huit cents cinquante-et-un francs donnés par 57 familles..... N'oublions pas la guerre qui sévissait à cette période entre la France et la Prusse.........
............... Le 18 janvier 1870, près de deux mille Prussiens divisés en plusieurs colonnes parcouraient la paroisse en différents sens et, quoique Almenèches passe pour être un pays riche, non seulement ils n'imposèrent aucune réquisition, mais ils ne causèrent, on peut l'affirmer, aucun dommage tant soit peu sérieux - affirmation de l'abbé Durand lui-même - ainsi ce dernier fit voeu d'écrire la Vie de Sainte Opportune qu'il édita en 1873 après différentes recherches ou aides diverses.......M l'abbé Durand nous fait lui-même la description de sa chapelle du Pré-Salé:
La chapelle du Pré-Salé a treize mètres de long sur sept de large. A l'intérieur, des colonnes et des colonnettes en faisceaux, surmontées de chapiteaux sculptés, supportent une voûte en berceau de neuf mètre d'élévation. Quatre personnages peints sur verre occupent les baies des élégantes fenêtres: c'est la princesse Opportune avant son entrée en religion; saint Godegrand, son frère, évêque de Séez et martyr; sainte Lanthilde, leur tante; saint Evroult, fondateur des deux monastères d'Almenèches.
Au-dessus de l'autel, dans une vaste niche éclairée par un jour dérobé, au sein d'une lumière mystérieuse, apparaît, sortant pour ainsi dire d'un massif de fleurs et de verdure, sainte Opportune, avec le costume d'abbesse bénédictine. De grandeur naturelle, tenant de la main droite la crosse abbatiale et de l'autre un coeur,  symbole de son ardente charité, le diadème sur la tête, un sourire angélique sur les lèvres, les yeux doucement élevés, elle se présente au pélerin de son sanctuaire comme une sorte de vision céleste qui réjouit l'âme et l'invite à s'unir à Dieu........
....La chapelle fut bénite le 16 avril 1871 par Mgr Rousselet...... M. l'abbé Durand fit élever à l'entrée du chemin qui conduit à la chapelle la Croix Sainte-Opportune en 1874...
...A ces oeuvres, d'autres succédèrent. Nommons, en particulier, la construction du presbytère d'Almenèches, l'un des plus beaux de la contrée, et l'érection du calvaire qui se voit au chevet de l'église, en face du point de rencontre des routes de Nonant et du Haras-du-Pin, et ayant à sa droite l'ancien enclos des bénédictines..............
..... Pendant l'année 1879, tout en donnant ses soins à la 2e édition de sa Vie de saint Antoine, M.Durand entreprenait la restauration de l'ancien choeur des religieuses, devenu la nef de l'église paroissiale...... Les travaux firent apparaître le vrai coeur de Louise de Médavy que les ouvriers s'empressèrent de renfermer dans l'épaisseur du mur....
..... Le pavage nouveau, exécuté vers l'année 1887, fit disparaître les dalles primitives, en parties usées et couvertes d'une mousse verdâtre. Mais, parmi ces pierres, plusieurs portaient des inscriptions. On lisait sur cinq d'entre elles les noms et les titres de cinq abbesses...(Louise de Silly - Magdeleine de Touars - Marie des Guets - Marie-Louise de Médavy - Marie-Madeleine de Médavy) Une sixième tombe était celle d'un prêtre....(l'abbé Letort curé du Château d'Almenèches)...... Nous avons pu voir par ailleurs que ces derniers travaux ne furent pas les plus réussis de l'abbé Durand !!!....
........ Nous avons dit que la construction d'un grand portail devait couronner l'oeuvre de M. Durand.
Les démolitions nécessitées par cette construction ne s'effectuèrent pas sans difficultés. On parut craindre un moment qu'elles ne compromissent la solidité de l'édifice. Cette crainte écartée, d'autres embarras surgirent qui causèrent un notable préjudice à la santé de M. Durand. Au-dessus du portail, se dessinait une très belle fenêtre à cinq baies, datant du XVIe siècle. Cette fenêtre avait été murée; M. Durand la fit ouvrir et l'orna, en 1890, d'un riche vitrail représentant les quinze mystères du Rosaire.(ce vitrail sortait des ateliers de M.Bazire, d'Argentan).....................
Mort en 1890, il repose dans la chapelle du Pré-Salé ............


Alifer61