samedi 10 avril 2010

SAINTE-OPPORTUNE par Henri VENDEL (2)

N° 119 ( Voir les n° 8-9-17-34-65 à 67-86 à 91-118 )
Continuons la copie de ce récit trouvé dans la revue "la semaine littéraire" du 05.09.1925 et numérisé par gallica.bnf.fr - Le titre est SAINTE - OPPORTUNE.
Opportune n'entendait pas. Elle songeait à son frère l'évêque Chrodegang, dont les mains étaient blanches; à sa tante Lanchilde, abbesse d'un grand monastère; aux saints propos d'Honorius Clementianus. Elle voyait le seigneur Jésus, pieds nus et les cheveux courts. Un nimbe d'or encerclait son visage imberbe,doux comme le soleil printanier
. Elle l'écoutait: "Bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient. Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu."
Alors elle dit à ses parents: "Ne me cherchez pas de mari parmi les hommes... Je n'épouserai que celui qu'une vierge conçut, qu'une vierge enfanta, qu'une vierge allaita. Pour son lit céleste, je veux me garder pure." Et dans l'excès de sajoie, elle ajouta: "Bientôt je quitterai la maison de mes pères et j'oublierai mon peuple. Je n'entendrai plus que la voix du Christ, mon époux, et je ne connaîtrai d'autre enlacement que le sien. Mon coeur tressaille d'allégresse, car le Roi du ciel, mon Seigneur, a désiré ma beauté."
Quelques jours plus tard, au moutier d'Almenèches, Opportune échangeait contre une robe vile la pourpre royale.

Lorsque Arnulf apprit cette nouvelle, il entra dans une grande colère. Il voulait incendier le couvent et ravir Opportune. Déjà il recrutait pour cette besogne quelques pillards quand Charles Martel proclama le ban. Arnulf et sa bande rejoignirent l'armée franque.
Ils étaient vêtus d'une tunique courte, descendant à peine jusqu'aux genoux, et sur leur justaucorps de fourrure passait un baudrier qui soutenait leur épée. Leurs cheveux blonds, coupés à hauteur du cou, s'agitaient comme une crinière.
Parmi tous les guerriers, Arnulf se distingua par sa vaillance. Il fit un tel carnage de Sarrazins que, durant huit jours, son corps garda l'odeur du sang. L'archevêque Turpin le bénit spécialement.
Mais Arnulf n'avait cure des bénédictions. Il blasphémait le ciel, traitant Jésus de ravisseur de femmes. Il ne goûtait plus de joie que dans le meurtre et la violence. Même leslongs repas où l'on servait tout embrochés des daims et des sangliers ne savaient plus apaiser sa douleur, et quand il buvait, dans des cornes de bufle, le vin mélangé de miel et d'absinthe, il ne trouvait plus dans l'ivresse le repos.
A bientôt pour une autre suite...

Alifer61