N° 120 (Voir les n° 8-9-17-34-65 à 67-86 à 91-118-119 )
Toujours la suite de ce récit trouvé dans la revue "la semaine littéraire" du 05.09.1925 et numérisé par gallica.bnf.fr - Le titre est SAINTE-Opportune.
Il (Arnulf) poursuivit vers le sud les fuyards sarrasins, mais ce ne fut qu'un prétexte à brigandage. Il enlevait les vases précieux des églises et cherchait de l'or jusque dans les tombeaux, il tuait les prêtres, incendiait les monastères, et malheur aux nonnes qu'il prenait !
Cependant Opportune était devenue abbesse du moutier d'Almenèches, et chaque jour elle édifiait les religieuses par ses mortifications.
Elle ne buvait que de l'eau et mangeait du pain d'orge. Le dimanche exceptionnellement, non par gourmandise, mais pour honorer le jour du Seigneur, elle versait un peu de vin dans son gobelet et prenait quelques petits poissons.
Un cilice se cachait sous ses vêtements, hiver comme été. Elle ne couchait pas sur une coite ??? remplie de plumes, mais sur un sac grossier qu'elle lavait de ses larmes. Toutefois, la nuit, on étendait sur elle un manteau de vair et de gris, comme l'exigeaient sa dignité et la noblesse de sa naissance.
Des nonnes lui disaient:" Pourquoi tant vous priver, souffrir de la faim, porter la haire jour et nuit ? Dieu ne vous défend pas de manger de la chair." Elle répondait: "C'est en mangeant qu'Adam perdit le paradis, c'est en jeûnant que nous devons le recouvrer."
Au demeurant, bien que dure à elle-même, elle était indulgente et pitoyable aux autres.
Ses nonnes ne manquaient de rien, malgré la pauvreté du monastère. Opportune suppléait à tout par son ingénieuse sainteté.
Un renard volait-il une poule ? l'abbesse se plaignait à Dieu et l'animal, touché de la grâce, rapportait docilement sa proie. Quand un larron voulait dérober un sac de blé dans la grange, Opportune, mystérieusement avertie, disait: " Ne permettez pas, Seigneur, que ce malheureux souille son âme !" et la tentative s'éloignait de lui.
Elle était d'ailleurs aussi charitable que pieuse. Tous ceux qui souffraient venaient elle: gueux, infirmes, possédés, femmes enceintes. Et quand elle ne pouvait donner, elle pleurait, de sorte que tous s'en allaient soulagés d'avoir vu, sur ses joues de vierge, des larmes de compassion.
Lorsque Arnulf, riche de butin et de crimes, revint sur son domaine, tout le pays célébrait les louanges d'Opportune, mais quand il entendit vanter sa bonté, il rugit comme une bête blessée.
Une autre suite au prochain numéro...
Alifer61