vendredi 9 avril 2010

SAINTE-OPPORTUNE par Henri VENDEL (1)

N° 118 (Voir les n°8-9-17-34-65 à 67-86 à 91)
Voici le récit trouvé dans la revue "la semaine littéraire" du 05.09.1925 et numérisé par gallica.bnf.fr. Le titre est SAINTE - OPPORTUNE .
Hilperich, comte de l'Hiémois, avait six filles roses et blondes, mais de toutes la plus belle était Opportune.
Chacun admirait la finesse de ses traits. Quand elle riait, ses dents apparaissaient si blanches dans la corolle des lèvres que le vieux clerc Honorius Clementianus, chargé de l'instruire, comparait sa bouche à une pâquerette fraîche éclose qui garde un liseré rouge au bord de ses pétales.
Un voile de lin blanc retenu sur sa tête par un cercle d'or,tombait, à la façon d'un manteau, le long des épaules, tandis qu'une agrafe circulaire en ramenait les pans sur sa gorge. Au-dessus d'une ceinture dont les cordons pendaient,lourds de pierreries, ses seins menus soulevaient harmonieusement la pourpre de la robe, et de longues manches d'un vert sombre, descendant jusqu'aux poignets, faisaient ressortir la blancheur des mains. Quand elle marchait, on apercevait la pointe d'un soulier brodé d'azur.
Elle passait son temps à carder de la laine avec sa mère, à broder, à teindre des étoffes, ou bien elle priait, récitait matines, vêpres et les psaumes, et regardait les images aux tons vifs d'un missel que son frère, l'évêque de Séez Chrodegang, lui avait donné.
D'autres jours, quand l'automne embrasait les forêts, elle s'accoudait au portique de la villa, scrutant le ciel pour voir si le Seigneur Jésus n'apparaîtrait pas, vêtu de nuages rose et porté sur les ailes des anges. Mais lorsque, de la chasse, lui parvenait le son de l'olifant, elle plaignait la biche qui pleure ses petits.
Quand elle eut seize ans, de nombreux seigneurs demandèrent sa main. Tous étaient riches et puissants, mais le plus brave et le plus fort était Arnulf.
Opportune l'avait conquis par sa beauté et il avait juré sur le pommeau de son épée, qui renfermait une dent de saint Pierre, de ne point épouser d'autre femme selon la loi des Francs, par l'anneau et par le denier.
Il lui disait: "Ton visage est comme une aurore qui se lève sur ma vie.Viens, sois à moi, et tout ce que j'ai sera tien. Je te donnerai la plus belle ceinture qui soit au monde et mes orfèvres y enchâsseront tant de pierres que tes mains pourront à peine la soulever. J'achèterai aux Juifs et aux Vénitiens, que Dieu maudisse! leur pourpre la plus éclatante pour qu'elle soit comme un sourire sur ta chair. Tu auras des miroirs d'or et tes souliers resplendiront de perles. Mais tu es pieuse. Mon chapelain te lira les Evangiles. J'enverrai mes vassaux à Rome chercher des reliques. J'irai moi-même, et je t'apporterai du sang de saint Polyeucte et des cheveux de Notre-Dame."
Nous pouvons, dans ce début de récit, apprécier les mots, les paroles,le vocabulaire, l'imagination... de notre poète almenéchois Henri Vendel... A bientôt, une suite...

Alifer61