lundi 22 novembre 2010

Les doléances d'Almenèches en 1789 (Suite 2)

N° 126 .... (Suite 2 des pages N° 124 et 125).....
" 9° Que les gabelles fussent également, s'il étoit possible supprimées. L'on ne pourroit remplacer cet impôt, le plus dispendieux et cependant le plus considérable de la commune,qu'en imposant au marc la livre de la taille une somme de trois livres par chaque être vivant dans le royaume. Car en supposant que le produit de cet impôt soit de soixante millions, versé clair au trésor royal, et que la population soit de vingt millions, ce ne seroit que le prix de cinq livre de sel par chaque être, pendant que l'on peut calculer sur la dépense de dix livres par chaque personne; mais si la supression entière ne pouvoit se faire, du moins en suprimer les abus.
L'ordonnance de mil six cent quatre-vingt dit, que le sel ne pourra être mis en vente qu'après avoir acquis deux ans de dépost, afin qu'il ait le temps de sécher et acquérir la consistance qui lui est due. Les fermiers généraux, au contraire, loin de se conformer au veu de l'ordonnance, le mettent en vente au bout d'un an ou quinze mois; le sel n'a point encore eu le temps de se sécher et est un sel creux, qui manque de qualité; moins il est bon, plus il en faut, par conséquent plus de consommation et de là plus de profit.
Il est reconnu que cette denrée, en vieillissant, se bonnifie et diminue de quantité. Par cette raison, il est accordé au marignier (celui qui était chargé du transport du sel de gabelle) un déchet pour le transport il en est encore accordé un aux officiers des dépôts, un autre à l'entrepreneur des voitures, plus ou moins considérable, eu égard à l'éloignement des dépôts des greniers qu'ils fournissent, et encore un autre déchet aux officiers des greniers, à raison de deux minots par muid de déchet que l'ordonnance leur accorde. Si le déchet est plus considérable, ce que l'on appelle déchet extraordinaire, les officiers sont obligés de payer le manquant sur le pied du prix du grenier. Il est rare qu'un grenier éprouve cet inconvénient; au contraire, il n'a souvent que deux quarts de déchet et a six quarts de bon, ce que l'on appelle bon de masse, et c'est ce bon de masse qui fait crier le public.
L'ordonnance, comme nous venons de le dire, accorde deux minots de déchet par muid, mais l'ordre de la régie n'en accorde qu'un, et cet ordre est exécuté de rigueur; c'est donc cette rigueur qui oblige le receveur et les officiers à se permettre de ces abus, qu'ils nomment ménage. L'ordonnance veut qu'il y ait sept pouces de distance entre la soupape de la treumie et l'orifice de la mesure: les officiers en retranchent un pouce et quelquefois un pouce et demi. La même ordonnance veut que la soupape soit ouverte dans toute sa largeur; au contraire, le mesureur a ordre de ne l'ouvrir qu'aux trois quarts.
L'ordonnance veut que le sel tombe perpendiculairement au milieu de la mesure, afin que le sel puisse emplir également laditte mesure; au contraire le radeur (mesureur du sel) éloigne cette mesure de lui et, par ce moyen, elle se trouve plutôt pleine de son costé et le derrière de la mesure ne se trouve plein que par le sel que la rade y pousse legèrement..."

Alifer61