mardi 27 novembre 2012

Henri Vendel :           DISCOURS.....

N°217 (n°8.9.17.34.65à67.86à91.118à122.133à144.187à192.194à216)


Textes contenus dans les "Mémoires de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du Département de la Marne" et écrits par Henri Vendel au nom de la dite société.
1° DISCOURS prononcé le 3 novembre 1932, à Tonnerre, par H.Vendel, vice-président, aux obsèques de M. Ducoudré, président.

Mesdames, Messieurs,
J'ai le douloureux devoir de saluer, au nom de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, la dépouille mortelle de celui qui était, hier encore, son président.
Des voix plus autorisées que la mienne vous ont dit les éminentes qualités dont fit preuve M. Ducoudré à la tête du tribunal de Châlons-sur-Marne. Ce sont ces qualités mêmes qui le recommandèrent au choix de notre Société lorsqu'elle l'élut membre titulaire en 1910.
Très assidu à nos séances, si les occupations parfois écrasantes, de sa charge ne lui permirent pas de collaborer autant qu'il l'eût voulu à nos travaux, du moins ses conseils nous furent-ils toujours du plus grand prix.
Sa compétence en matière juridique, la haute idée qu'il se faisait de la justice, son autorité, étaient appréciées de tous nos collègues et c'est à l'unanimité qu'il fut élu président de notre société en 1930.
Nous attendions beaucoup de sa direction. N'était-il pas le Président par excellence?
Hélas! un mal qui ne pardonne pas le frappait au moment même où il allait pouvoir consacrer les loisirs de la retraite à notre compagnie. Du moins ne cessa-t-il, même dans la maladie qui le tenait éloigné de nous, de lui témoigner son intérêt, et l'un de ses derniers gestes nous le prouvait récemment encore de la façon la plus délicate et la plus généreuse.
Aussi est-ce avec une émotion douloureuse que je dis adieu à celui dont la Société Académique de la Marne gardera pieusement le souvenir. Puisse la sympathie dont tous ses confrères l'entouraient apporter quelque réconfort à Mme Ducoudré et à sa famille dont nous saluons bien bas la douleur.

2° DISCOURS prononcé le 8 mars 1933 par H. Vendel, Président aux obsèques de M. H. Gérard, ancien président.

Mesdames, Messieurs,
Au nom de la Société Académique de la Marne, au nom de la Société de lecture et d'enseignement, au nom du Comité de la Bibliothèque municipale, j'ai le douloureux honneur de saluer, au seuil de sa maison mortuaire, celui qui fut leur Président.
Des voix plus autorisées que la mienne ont dit la place que M. Henry Gérard tenait dans la cité, place considérable et dont votre nombreuse assistance permet de mesurer toute l'étendue.
Je me bornerai, quant à moi, à évoquer le lettré, l'ami des livres, que fut toute sa vie notre regretté concitoyen.
M. Henry Gérard s'était voué à l'enseignement, mais il entendait ce mot dans le sens le plus large. Il se rappelait notamment la phrase de son illustre compatriote Jules Ferry: "On peut tout faire pour l'école, pour le lycée, pour l'Université. Si, après, il n'y a pas de Bibliothèque, on n'aura rien fait".
Aussi le même dévouement qu'il apportait au Collège le témoignait-il à la Bibliothèque municipale et à la Société de lecture. Comme adjoint au Maire chargé de l'instruction publique d'abord, puis comme président du Comité d'achat et d'inspection de la Bibliothèque municipale, il eut souvent à me guider de ses conseils, et je trouvai toujours en lui une autorité souriante, une science qui se parait de bonhomie.
Ses avis étaient très écoutés des membres du Comité, et de nombreux ouvrages sont entrés à la Société de lecture comme à la Bibliothèque, sur son unique recommandation.
Combien de nos concitoyens lui ont dû ainsi de goûter les joies d'un roman spirituel ou d'une élégante critique !
M. Gérard n'était pas bibliophile au sens ordinaire du mot: il aimait les livres pour leur contenu, et les livres lui ont tenu compagnie jusqu'à sa dernière heure puisque, la nuit même de sa mort, il trompait encore ses insomnies par la lecture.
On ne s'étonnera pas que la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne l'ait nommé d'emblée membre titulaire le 15 mars 1903, et qu'elle lui ait aussitôt confié le rapport sur le concours de poésie. Il devait le conserver six ans durant.
Cette fidélité nous renseigne sur ses goûts: il aimait parler des poètes, et, comme tout auteur, sans le savoir, c'était lui-même qu'il confessait.
J'ai relu, ces derniers jours, tous ses rapports avec le sentiment de piété que vous devinez, et il me semblait que c'était une dernière visite que je lui faisais et qu'il m'entretenait avec sa finesse malicieuse. On retrouve là tout le charme de sa conversation, abondamment nourrie des classiques. 
Dire qu'il avait un esprit cultivé, c'est trop peu. Il était de ces "honnêtes gens", pour reprendre un mot du XVIIIe siècle, qui mettent à profit les loisirs de la province pour butiner dans les livres et faire leur miel des meilleures pensées qu'ils rencontrent.
Son érudition n'avait rien de morose, rien de pédantesque. Sa prodigieuse mémoire retenait de préférence les phrases ingénieuses, délicates, celles qui s'apparentaient à sa propre nature. Il préférait la grâce à la force. C'était un gourmet de l'esprit.
Outre ses rapports sur les concours de poésie, M. Henry Gérard donna à la Société Académique plusieurs études: Sur un définition du romantisme, en 1906; Simples causeries sur la nature, en 1907; La Querelle de Crébillon et de la Société littéraire de Châlons vers 1721, en1911; et tout dernièrement Le Régiment de la Calotte, étude dont il a revu les pages, la veille même de sa mort, pour les remettre à notre secrétaire aux fins d'impression.
Dans tous ces travaux on retrouve les mêmes qualités, le même souci du bien dire (l'incorrection d'une phrase le choquait autant que celle d'un geste), le même goût affiné, la même tendance à moraliser qui se voilait d'ironie.
Nommé Président de la Société Académique en 1914, il devait le rester jusqu'en 1921, et ceux qui ont eu le plaisir d'entendre ses discours sur Les devoirs présents et la vieillesse des choses et des personnes  ne les ont certainement pas oubliés.
Devant la tombe de M. Beuve, le 17 août 1920, M. Henry Gérard proclamait: " Nous ne mourons jamais tout entier. Nous laissons derrière nous le souvenir de nos oeuvres, de nos actions, de nos exemples."
Et c'est pourquoi, M. Gérard, je ne vous dis pas adieu, car votre souvenir demeurera parmi nous, et, pour qu'il ne s'estompe pas, nous n'aurons qu'à relire ces pages que concervent les Mémoires de notre Société et à travers lesquelles transparaissent votre regard et votre sourire.
Puisse cette présence immatérielle adoucir la douleur de celles qui vous pleurent et que je prie respectueusement d'agréer les vives condoléances des membres de nos Sociétés.
Deux discours d'Henri Vendel qui nous démontrent, si c'était nécessaire, la grande place qu'il occupait à Châlons-sur-Marne, mais aussi dans sa région champenoise.