dimanche 11 novembre 2012

Les écrivains et artistes de Champagne et Henri Vendel.

N°200 (n°8.9.17.34.65à67.86à91118à122.133à144.187à192.194à199)

Texte de René Vigo Président de l'Association des Ecrivains et Artistes de Champagne, Docteur en droit, auteur de: tragédies à Clairvaux - les plaies ouvertes - les hommes en noir...... et peintre à de nombreux moments ....

Henri Vendel, ce Normand de bonne souche, vint souffrir en Champagne dans les tranchées crayeuses que la guerre creusait avec la mort et il fut un exemple, un authentique héros.
Plus tard, après qu'on eut planté en terre des croix de bois innombrables, il reprit ses chères études de chartiste avec cette modestie sereine, cette réserve méditatve qui provoquaient le respect et l'admiration. Puis il se fit adopter par la Champagne qui épongeait son sang et pansait ses plaies.
Ecrivain-né,Henri Vendel sacrifia trop d'oeuvres qui mûrissaient en lui pour se dévouer sans ménager ses forces à la lecture publique. Conservateur de la Bibliothèque, du Musée et des Archives de Châlons-sur-Marne dès 1921, il enchanta par son érudition, son inlassable activité et un sens social fort aigu. Grâce à lui, un bibliobus sillonna les routes d'une province devenue la sienne.
Cependant le héros n'était pas fatigué. En 1942, il brûla d'un patriotisme blessé,  participa à la résistance, fut arrêté par la Gestapo, échappa par miracle à la déportation. Les chants du couvre-feu, lancés d'une plume frissonnante et torturée, mais néanmoins délicate, nous émeuvent encore aux larmes. Et c'est au plus dur du combat clandestin que pour raviver la flamme des valeurs spirituelles, il fonda l'Association des Ecrivains de Champagne, devenue assez récemment l'Association des Ecrivains et Artistes de Champagne.
Les artistes, il les connaissait, il les appréciait, il les comprenait. Cet homme de bien et de haute pensée si respectueux de la culture, communiait d'instinct, avec tous les élans créateurs.
Il demeure parmi nous, si présent, grâce à la magie du verbe. Ses interrogations n'en finissent pas de se répandre dans l'éternité.
N'écrivait-il pas dans La couronne d'épines ?
Les astres ont frémi de leurs feuillages d'or
et sous l'arbre sacré j'écoute et m'émerveille:
Quels signes inconnus tracent les météores?
quel oracle naîtra des nocturnes soleils?
Emporté à cinquante-sept ans, le 28 février 1949, voici trente années, par une courte maladie, Henri Vendel est l'image ineffaçable d'un homme de devoir, de courage et d'action quanimait en secret une âme de poète.
Toujours un tas de "fleurs" pour le combattant almenéchois Henri Vendel.
René Vigo dans son atelier

Autre texte de Françoise Bibolet Membre du Comité. Conservateur en chef de la Bibliothèque municipale de Troyes. Auteur de l'histoire de Troyes - Chefs d'oeuvre de l'Aube - .....  

Henri Vendel que nous pouvons nommer "le fondateur" écrivait, il y a trente ans: "Notre association naquit le 15 février 1943, dans la blanche maternité de la rue Sébastien-Bottin (c'est-à-dire le bureau de Marcel Arland à la Nouvelle Revue Française) et tandis que nous établissions les statuts, des ombres feldgrau passaient sur les trottoirs. Sans doute éprouvâmes-nous d'autant plus impérieusement le besoin de remonter aux sources de notre province que nous étions excédés par ces présences bottées".
C'est en effet à Marcel Arland, comme le racontait Charles Thibault, qu'Henri Vendel exposait dès 1942 son projet de réunion d'écrivains, concrétisé par l'autorisation de constituer l'Association, délivrée par le Préfet régional, M. de Péretti Della Rocca, le 26 novembre 1942.
Non seulement Henri Vendel fut le Secrétaire Général, mais, surtout l'animateur de notre groupement qui, loin d'être un cénacle fermé, accueillit fraternellement, à côté des écrivains et des artistes, des hommes de science, des amis des lettres et des arts, ainsi que nos "cousins" du vignoble.
Les buts de l'Association étant de "faire connaître et aimer la Champagne à travers l'oeuvre de ses écrivains et de ses artistes" autour d'Henri Vendel, de Marcel Arland, Charles Braibant, Yves Gandon, René Druart et Pierre Béarn, une centaine d'adhérents se sont regroupés, à la fin de 1944, après la période de clandestinité imposée par l'arrestation d'Henri Vendel par la Gestapo, le 10 mars 1944.
Dès cette époque, les activités furent nombreuses, pélerinages dans les hauts lieux de notre province natale, causeries et expositions célébrant les gloires d'hier (Joinville, Thibault IV, Eustache Deschamps, Flaubert) et d'aujourd'hui (Paul Fort). 

Autre texte de Pierre Béarn, poète, romancier, fabuliste .... et auteur du slogan resté célèbre : 
Métro.Boulot.Dodo

Au fur et à mesure que se déroulent les années, d'autres, plus anciennes, s'estompent dans les lointains de la vie. Les paysages défilent; nous n'en retenons même pas l'essentiel. C'est ainsi que je ne parviens pas à situer le temps précis où j'ai vraiment connu Henri Vendel. En tout cas, ce fut longtemps avant la mise en service du premier bibliobus puisque sa création nous préoccupait au point d'avoir fait de nous deux amis.
La télévision n'avait pas encore figé, devant ses écrans miraculeux, ses foules de fascinés solitaires, mais nous étions vaguement conscients, l'un et l'autre, de la nécessité de ne plus attendre le public dans nos librairies ou dans nos bibliothèques, mais d'aller au-devant de lui pour l'aider à vivre.
J'étais alors libraire au Quartier Latin de Paris depuis 1932 et fournisseur, grâce à Henri Vendel en livres d'occasion, de la Bibliothèque municipale de Châlons-sur-Marne, dont il était le conservateur.
Nous en étions arrivés à la conviction qu'il fallait faire pénétrer le livre quasiment de force dans les chaumières; c'est-à-dire d'amener puissamment à la lecture une immensité de gens pauvres ou mal instruits qui avaient tout à gagner.
Lequel de nous eut l'idée du Bibliobus ? Lui sans doute, car il était, physiquement, plus près des problèmes qui nous préoccupaient.
Quelque temps plus tard, nous réalisâmes tous deux une autre de nos idées, celle d'unir en association efficace les écrivains de Champagne. C'est ainsi que je devins le secrétaire d'Henri Vendel, sous la présidence de Marcel Arland. J'organisai des déjeuners mensuels à Paris et des expositions de livres champenois, avec une journée de vente d'ouvrages dédicacés par leurs auteurs, dans toutes les villes importantes de la Champagne.
Cette Association existe toujours. Son président actuel est un avocat de Troyes doublé d'un écrivain de talent, Maître Vigo.
Les idées d'Henri Vendel continuent donc de prospérer, puisque le bibliobus existe maintenant dans toutes les provinces de France. Aucun d'entre nous cependant n'y apporta autant d'application créatrice. Il y avait chez Henri Vendel des qualités humaines de simplicité, de bonté, et d'efficacité que la Civilisation des loisirs et du nucléaire a tendance à amenuiser sans cesse chez nos contemporains. Il est donc bon que son nom figure au fronton d'une bibliothèque pour perpétuer sa mémoire. Il en eût été, non pas fier, mais profondément heureux. 
Voilà donc trois écrits de 1979 toujours aussi chaleureux sur notre almenéchois Henri Vendel.
Premier Bibliobus de la Marne.